Le canal TikTok : un levier incontournable pour les écoles supérieures ?
Depuis son lancement en 2016, TikTok connaît une croissance exponentielle. Depuis 2018, c’est même l’application la plus téléchargée au monde. En France, les derniers chiffres connus, en janvier 2021, faisaient état de 14,9 millions d’utilisateurs actifs par mois.
Sachant que 75% des utilisateurs TikToK ont entre 13 et 24 ans, les écoles ne peuvent pas ignorer le phénomène. La question aujourd’hui, pour les écoles supérieures, n’est plus tant « faut-il y aller ? » que « comment y communiquer ? ».
En effet, le potentiel de TikTok est indéniable en termes de notoriété et, peut-être, en termes de génération de leads.
Mais, comme le soulève le directeur marketing de Y SCHOOLS, Tony Thuillier, « il ne faut pas y aller pour y aller sans avoir défini au préalable une stratégie éditoriale dédiée ».
Cindy Pinilla-Salvador, chargée de communication à l’ESCAM confirme elle aussi « l’importance du type de communication que l’école veut véhiculer sur TikTok ».
Vous vous demandez si vous auriez intérêt à intégrer le canal TikTok dans la stratégie marketing de votre école et, si oui, comment ? Dans cet article, nous vous livrons, plusieurs pistes, témoignages à l’appui, pour vous aider à vous positionner sur la plateforme.
TikTok, un réseau de divertissement… et un moteur de recherche ?
Selon une étude Diplomeo, plus de la moitié des 16-25 ans utilisaient TikTok en 2021, ce qui place le réseau en 3ème position sur cette tranche d’âge après Instagram et Snapchat. Compte tenu de la croissance régulière de TikTok, il est plus que probable que le chiffre ait encore augmenté.
Au-delà des chiffres, ce qui interpelle, c’est la façon dont les jeunes générations l’utilisent.
Sébastien Beaujault, consultant en médias sociaux et stratégie numérique, explique :
« TikTok n’est pas, à proprement parler, un réseau social, mais plutôt un réseau de divertissement. Les courtes vidéos, plein écran sur les téléphones portables, nous invitent à scroller à l’infini. Tout y est fait pour doper notre dopamine. Pour passer du temps, comme nous pourrions le faire devant un film ou une série Netflix. La GenZ (16/24 ans) l’a bien compris et se délecte de ce contenu très personnalisé et subtilement choisi selon leurs centres d’intérêt ou les tendances. »
De plus, les nouveaux usages induits par TikTok entraînent des répercussions sur les stratégies de communication, y compris sur d’autres canaux. On parle de « tiktokisation » pour désigner une évolution des autres plateformes vers du contenu de divertissement.
Par ailleurs, Prabhakar Raghavan, vice-président senior de Google, a aussi pointé l’émergence de TikTok dans les habitudes de recherche : « près de 40 % des jeunes, quand ils cherchent un endroit pour dîner, ne vont pas sur Google Maps ou Search. Ils vont sur TikTok ou Instagram ».
Alors, to be… or not to be sur TikTok ? Telle est la question pour vous, marketeurs de l’enseignement supérieur.
Les écoles supérieures ont-elles leur place sur le canal TikTok ?
Sur cette question, Sébastien Beaujault se veut prudent :
« Cette plateforme n’est pas, à mon avis, l’espace idéal pour créer et gérer une communauté (encore moins un public étudiant).
Malgré tout, elle tend à devenir, aussi, un moteur de recherche pour la jeune génération. Il peut donc s’avérer pertinent de se l’approprier si l’on sait maîtriser les mots-clés, les règles du jeu et si l’on possède une bonne dose de créativité ».
De nombreuses écoles ont d’ores et déjà franchi le pas. C’est le cas de Y SCHOOLS qui utilise la plateforme pour son école de management, SCBS - South Champagne Business School, depuis le premier semestre 2020.
« Il ne faut pas “y aller pour y aller”. Certes les cibles des écoles utilisent largement TikTok. Mais la question fondamentale, c’est de savoir ce qui doit guider nos prises de parole. Une fois la stratégie éditoriale définie, les objectifs quantitatifs et qualitatifs cernés et les premiers contenus prêts, nous avons sauté le pas.
Les réticences existent :
- Qu’est-ce qu’une grande école de management va bien pouvoir raconter ?
- Comment s’approprier les codes très particuliers de ce réseau ?
- Comment alterner divertissement et information ?
- Qui va piloter la création des contenus ?
Impossible de toutes les lever d’emblée. Mais le fait de définir la stratégie a permis de lever certaines craintes. Et ensuite, il a fallu se lancer pour tester et ajuster ».
Tony Thuillier – Directeur marketing Y SCHOOLS
A l’ESCAM, Cindy Pinilla-Salvador s’est aussi laissée convaincre par les étudiants de l’école :
« Déjà l’abandon de Facebook par notre cible nous a enlevé un canal de communication. Ensuite les échanges avec nos étudiants, qui me disaient que TikTok était incontournable pour eux, ont achevé de me convaincre ».
Quels objectifs sur TikToK pour les écoles supérieures ?
Renforcer le sentiment d’appartenance
Les écoles supérieures ne sont pas que des lieux d’études. Ce sont aussi des lieux de vie au sein desquels les étudiants partagent des expériences communes au-delà des apprentissages. La vie de campus, l’entraide, l’état d’esprit contribuent à créer un sentiment d’appartenance entre les étudiants.
De ce point de vue, l’adoption de TikTok apparaît aussi comme une manière de faire communauté. Plusieurs écoles se sont d’ailleurs lancées pendant les confinements pour entretenir les liens entre les étudiants.
En outre, la communauté d’étudiants est aussi une source importante en prospection. Avec TikTok, les écoles se dotent d’un moyen de diffuser ce sentiment d’appartenance vers leurs futures recrues.
Cindy Pinilla Salvador explique :
« Sur TikTok, notre principal objectif consiste à fédérer nos étudiants actuels qui, chez ESCAM, sont une des principales sources de futur.e.s étudiant.e.s. L’idée est qu’ils accrochent. Le message est simple, la communication anti conventionnelle, drôle et décalée. On va mettre davantage en avant les étudiants en action, les équipes des écoles dans la vie de tous les jours. On surfe plutôt sur le “délire” c’est le “RS” où on peut se lâcher sans forcément faire des feeds tout propres. On a soutenu l’équipe de France de foot au mondial autour du babyfoot par exemple ou alors surpris un cours où on faisait un karaoké, … ».
Améliorer la notoriété de l’école
Les établissements d’enseignement supérieur actifs sur TikTok l’abordent aussi comme un canal de notoriété. Le fait que leurs publics soient massivement présents sur la plateforme les incitent à franchir le pas et à s’appuyer sur leurs contenus pour mieux se faire connaître.
« Le premier objectif était de garder un lien différent avec nos étudiants et nos prospects en période de confinement. Ensuite des objectifs de notoriété puis un objectif d’acquisition », confirme Tony Thuillier.
Pour ce faire, la régularité et la pertinence des contenus sont essentielles. Mais, poursuit Tony Thuillier, il n’est pas simple de prédire les performances d’un contenu sur la plateforme :
« Certains contenus performent sans trop savoir pourquoi. D’autres floppent alors qu’on pensait qu’ils étaient très bien adaptés à l’usage et aux comportements des utilisateurs de l’application. Il faut trouver le bon dosage entre divertissement (s’approprier les fameuses “trends”), information (communiquer différemment sur nos formations, les différences entre celles-ci) mais aussi des contenus événementiels (débriefing de journées d’immersion, de journées portes ouvertes…). L’enjeu est aussi de trouver des axes de collaboration avec les médias présents sur la plateforme (je pense particulièrement aux contenus du groupe 2Empower qui trouvent un certain écho auprès de nos cibles). »
TikTok, un levier de génération de leads ?
Enfin, certaines écoles envisagent TikTok comme un levier potentiel de génération de leads. Mais le passage d’un canal de divertissement et de notoriété à un canal de performance est loin d’être évident.
« Ce dernier objectif n’a pour le moment pas encore porté ses fruits, confirme Tony Thuillier. Certes, des leads tombent. Mais la question de leur qualité existe. Idem pour la question du traitement : réactivité, contenus, maintien du lien… ».
La plateforme incite au scroll et il est très compliqué de faire sortir les utilisateurs de leur fil. Les contenus de génération de leads doivent donc s’intégrer nativement dans les flux. Même avec TikTok Ads, générer des leads reste souvent une gageure :
« On a testé deux types de dispositifs : des campagnes en propre et des campagnes via des médias tiers. Les résultats sont les mêmes ou presque : Tik Tok délivre des vues, de l’engagement (même si c’est très dépendant de la qualité du contenus) mais, en termes de leads, les effets restent assez limités ».
Chez ESCAM, Cindy Pinilla-Salvador ne considère pas (encore) TikTok comme une solution pour générer des leads :
« On n’a pas encore d’objectif de leads qualifiés sur ce réseau social ou alors indirectement. En gros, vous regardez notre compte TikTok et vous aimez ce que vous voyez ? Ca tombe bien puisque c’est le reflet de nos établissements. Cette ambiance vous plaît ? Alors pourquoi ne pas vous renseigner un peu plus sur nous ? Et hop, direction notre site Internet ! ».
La question reste en suspens. Faut-il alors considérer TikTok comme un pur canal de notoriété qui vient, indirectement, alimenter vos autres canaux ? Ou peut-on en faire un vrai canal de génération de leads ?
Équipe communication, étudiants : qui doit prendre la parole sur TikTok ?
Puisque TikTok est avant tout un réseau de divertissement, ses codes sont différents de ceux des autres plateformes.
Les formats qui performent sur TikTok sont en rupture avec les contenus, parfois très institutionnels, des écoles supérieures. Pour les équipes des écoles, il est souvent difficile de maîtriser les bonnes pratiques d’un réseau que les 16/24 ans se sont massivement approprié.
Alors, devez-vous laisser la main à vos étudiants ?
A l’ESCAM, les alternants du service communication ont largement contribué au lancement TikTok :
« J’ai la chance d’accueillir dans mon service deux alternants en communication depuis cette année. Ils sont jeunes, étudiants…ça n’a fait qu’un tour. Je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient et ils étaient partant. On a donc réfléchi ensemble au type de communication que l’on pouvait véhiculer sur TikTok ».
Pour les écoles de Y SCHOOLS, Tony Thuillier évoque un équilibre entre les initiatives des étudiants et la nécessité de maîtriser l’image de la marque :
« C’est une problématique intéressante : qui définit la stratégie ? Qui pilote la création de contenus ? Il n’y a pas de réponse parfaite. Nous jonglons entre les équipes communication/marketing et des étudiants ambassadeurs. Rien n’est publié sans l’aval des équipes de collaborateurs, c’est certain ».
Aller ou ne pas aller sur TikTok ? La question n’est pas si simple.
TikTok est une plateforme qui rompt avec les codes habituels des écoles. Elles doivent y communiquer d’une façon spécifique et créer des contenus dédiés. Mais, surtout, aujourd’hui, en termes de stratégie, comment aborder TikTok ? Comme un canal de notoriété ou pour générer des leads ? A ce stade, la question reste posée.
Même si leurs publics y sont présents et actifs, les écoles vont-elles continuer à investir dans un canal qui génère finalement assez peu de leads ? La génération de leads est-elle-même un objectif pertinent pour TikTok ? Ce n’est pas certain.
Peut-être vaut-il mieux considérer la plateforme comme un formidable levier de notoriété avec un impact seulement indirect sur la génération de demande. Cela revient à envisager TikTok dans une dynamique « dark social ». Le travail réalisé sur la plateforme alimente l’acquisition de manière indirecte, mais vous ne pouvez tracker précisément les leads.
Dans tous les cas, cela implique de rester concentré sur vos terrains d'atterrissage (site, blog, newsletter...) et, pourquoi pas, un podcast.
Le débat reste ouvert.